L’observatoire de la continuité écologique publie quelques exemples de l’application dogmatique de la LEMA, sans que rien ni personne ne puisse s’y opposer. Incroyable…
DESINFORMATION QUAND TU NOUS TIENS
Deux documents trouvés le 28/03/2021 appellent quelques commentaires. Ces pièces concernent une note de l’OCE sur les études d’impacts et leurs aspects juridiques liés aux modifications de l’hydromorphologie sur cours d’eau et d’une étude du journal le Monde relative à l’herbicide paraquat. Je finirais par exprimer mon désarroi sur la situation des sciences et de la recherche aujourd’hui.
Les études d’impacts.
Jusqu’à présent, les études d’impacts sont une mascarade. Il s’avère que c’est l’Université de Limoges qui est chargée des études des effets sur les modifications hydromorphologiques des cours d’eau. Lors de notre dernière journée à laquelle nous assistions avec Jacques et Philippe (ce devait être en octobre 2017 ?), un chercheur affirmait qu’il n’y avait aucun modèle comportemental prédictif. Encore pire, ce même jour, un exposé réalisé par une personne de la DDT relatait la destruction d’un barrage qui avait coûté plus d’un million d’euros. Je lui avais posé la question de savoir si des mesures avaient été faites pour vérifier la pertinence de l’étude d’impacts préalable. La réponse avait été : Non ! Cette situation m’avait conduit à faire un paragraphe dans mon livre sur ce sujet (page 187). Voici ce que j’écrivais :
Les scientifiques de l’Université de Limoges, chargés des effets des modifications hydro-morphologiques des cours d’eau l’affirment : il n’y a pas à ce jour de modèle comportemental prédictif. Ce n’est pas étonnant quand on considère les difficultés colossales à reproduire une expérience en laboratoire parfaitement représentative du comportement d’un cours d’eau. Cette absence de modèle prédictif ne permet pas de déduire tous les impacts réels de la modification hydro-morphologique. Tout au plus, s’il s’agit de la construction d’un barrage de plus de trois mètres de haut, on sait que la remontée des migrateurs sera bloquée. En l’absence de modèle, les études d’impacts préalables demandées par l’administration est un abus de langage proche de la supercherie. Ces études font les beaux jours des bureaux d’étude, coûtent cher mais s’appuient sur des bases scientifiques trop fragiles. La solution consiste à exiger pour toute modification hydro-morphologique d’un cours d’eau « un retour d’expérience » impliquant la collecte de tous les paramètres du système avant et après la modification. Il ne s’agit nullement d’une étude d’impact préalable. Il s’agit de la mesure des paramètres hydrauliques, physicochimiques et caractéristiques de la biodiversité faite avant et après la construction d’un barrage ou de son arasement. Seuls les retours d’expériences permettront d’établir un modèle prédictif avéré et reconnu. Je ne vois rien à changer aujourd’hui à cette analyse.
Les études d’impacts représentent une économie parallèle et une manne pour les quelques bureaux « spécialisés » dans l’hydromorphologie des cours d’eau. Les études sont demandées par les agences préalablement à de gros travaux (quelques centaines de milliers d’euros) afin de les justifier. Les conclusions vont toujours dans le sens de l’intérêt des commanditaires : amélioration du flux migratoire, de la ressource halieutique sédentaire, de l’oxygénation de l’eau, de son autoépuration et de sa qualité, de la biodiversité, etc… En réalité, la conclusion peut s’avérer partiellement exacte ou totalement erronée selon le degré de pollution chimique du cours d’eau et de sa distance par rapport à l’embouchure du fleuve d’accès.
La situation pourra-t-elle évoluée par la notion de « dommage environnemental » de la législation bruxelloises à toute modification des cours d’eau en général et à l’arasement d’un barrage en particulier (à lire sur l’article de OCE). Avoir à rendre compte par des résultats probants à des études d’impacts ne reposant que sur des postulats purement dogmatiques peut apparaitre comme un progrès si tenté que la menace soit prise au sérieux. En 2000, la DCE fixait une obligation de résultats à l’amélioration de la qualité de l’eau. Les résultats de la DCE/LEMA, connus après plus de 20 ans, tendraient à prouver que les injonctions bruxelloises n’effraient pas les autorités françaises. Indépendamment des aspects juridiques intéressants, la notion de dommage environnemental est une démarche de bon sens et parfaitement scientifique.
Les falsifications et dissimulations dans les études sur l’herbicide paraquat.
Voilà encore un pesticide que je ne connaissais pas et qui je pense, va faire parler de lui ! Son histoire est très longue et il faut tout le talent du journaliste Stéphane HOREL d’en avoir fait une synthèse d’une dizaine de pages. En exceptant le temps d’étude à ICI, l’histoire de ce produit a commencé à sa commercialisation dans les années 1960 et pourrait terminer sa carrière (ce n’est pas une certitude) prochainement par un procès aux USA. Le produit aura fait des milliers de victimes empoisonnées (probablement plus de 100 000) par accidents, meurtres ou suicides, et fait écrire des milliers de pages contenant tout ce que la science abomine : mensonges, falsifications, dissimulations, destructions de documents compromettants. Au sens propre comme au sens figuré cette histoire de paraquat donne envie de vomir. Monsanto nous avait habitués à ces pratiques. Nous supposions qu’elles pouvaient exister chez d’autres fabricants de pesticides. Je vous laisse juge des actions d’ICI.
A noter que le groupe ICI n’existe plus en tant que tel. Jusqu’en 1993, il s’agissait d’un groupe chimique « touche à tout ». Comme Bayer, il faisait des produits chimiques, des pesticides et des médicaments. En 1993, il se sépare de ses activités pharmaceutiques et agrochimiques qui deviennent Zeneca. Elles sont rachetées en 1999 par le groupe suédois Astra AB pour donner naissance au groupe Astra Zeneca, bien connu depuis quelques mois. En 2000, la division agrochimique d’Astra Zeneca fusionne avec Novartis pour devenir une société suisse nommée Syngenta leader dans le domaine des « phytosanitaires » et des semences. En 2016, Syngenta est achetée par le groupe chinois ChemChina pour la plus grosse transaction jamais réalisée par une société chinoise : 43 milliards de dollars. Quant aux autres activités d’ICI, elles ont été acquises en 2007 par le groupe néerlandais Akzo Nobel. Dans ce monde impitoyable des « phytopharmaceutiques » et des médicaments, tous les coups sont permis. Dans le but de vendre son vomitif, Astra Zeneca fournit des dossiers anciens prouvant la forte toxicité du paraquat et la nécessité d’y joindre son vomitif… Finalement, la Commission européenne finit par interdire l’usage du paraquat en 2007, soupçonnant que le produit provoque la maladie de Parkinson. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’un procès se déroulera aux USA.
En définitive, tous les pesticides dangereux ne sont débusqués comme tels qu’au bout de quelques décennies alors que les données du fabricant, pour sa mise sur le marché, montrent toujours des produits inoffensifs. Pour reprendre le titre du Monde, de nouveaux « mensonges et secrets » apparaitront dans un demi-siècle sur d’autres produits. Il en sera ainsi tant que l’UE n’aura pas son propre laboratoire de toxicologie.
Pauvres Sciences.
Après les Trente Glorieuses, la recherche a décliné en France comme en témoignent les fleurons industriels disparus ces deux dernières décennies. Les crises successives ont mis la recherche au pain sec. Des restrictions budgétaires permanentes se sont exercées sur la recherche comme sur les milieux hospitaliers et enseignants. On croyait avoir réussi à conserver une recherche pharmaceutique à la pointe ; la pandémie du corona virus a démontré le contraire. Mais le plus grave, c’est que l’impact budgétaire s’est accompagné d’une perte de confiance dans la R&D par les Français. Toute nouvelle technologie est devenue suspecte, dangereuse et nuisible en France. Les grands cerveaux partent depuis longtemps mettre leurs idées en pratique à l’étranger où l’on croit encore au progrès par les sciences.
Comme l’argent, le mensonge est devenu un rouage de pouvoir. Il s’exerce partout. La politique, les réseaux sociaux, la presse, le lobbying et le dogmatisme ambiant contribuent peu ou prou à l’entretenir. Quelques scientifiques eux-mêmes ne sont pas irréprochables. Via des tentations lucratives, certains ont été conduits à des comportements indignes pour l’éthique qu’ils sont censés représenter.
Pour le peuple français viscéralement prompt à la critique, le mensonge trouve un terrain plus favorable. Ainsi la désinformation et la défiance règnent en maître. Petit à petit, on se rapproche de l’obscurantisme. Comment construire dans de telles conditions quelque chose d’efficient et de durable pour notre futur ? Si la démocratie accepte, fort heureusement, la critique, il n’y a aucune raison qu’elle tolère le mensonge avéré, écrit et certifié qui mine notre société.
Jean-Pierre Pestie.
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